Roch Aza et Louis-Armand-Constantin de Rohan, prince de Montbazon (1732-1794)

Roch Aza et Louis-Armand-Constantin Rohan, Prince de Montbazon (1732-1794)
Atelier de Jean-Marc Nattier
1758
© David Gallard / Château des ducs de Bretagne – Musée d’histoire de Nantes

Cette peinture est récemment entrée en collection comme étant le Portrait de Louis-Armand-Constantin de Rohan, prince de Montbazon (1732 – 1794), gouverneur de Saint-Domingue (1766 – 1769).

Il s’agit pourtant bien d’un double portrait, dans lequel un jeune homme esclavagisé est également représenté. Il porte une livrée, tenue imposée aux esclaves depuis les lois somptuaires du 4 juillet 1720, et les traditionnels attributs de la servitude : créoles et collier en argent. Il tend une lettre sur laquelle est noté « à Monsieur le chevalier de Rohan, capitaine des vaisseaux du Roy à Rochefort ». Ce tableau a donc certainement été peint en 1758, année où Louis-Armand-Constantin de Rohan est nommé capitaine des vaisseaux du roi et prend le commandement du Raisonnable à Rochefort.

La présence de personnes mises en esclavage dans les portraits est rare et a longtemps été considérée comme secondaire. Dans la plupart des cas, la personne mise en esclavage n’est pas identifiable et le rapport de domination est renforcé par le fait qu’elle ne regarde que son propriétaire. Ici, le jeune homme regarde le spectateur, ce qui constitue une originalité suffisamment importante pour être remarquée. C’est un véritable portrait qui en est fait. Des recherches effectuées en archives permettent de supposer qu’il s’agit d’un jeune garçon qui vit en esclavage depuis 1753 au sein de la famille de Rohan-Guéméné, dans ses appartements parisiens. Prénommé Roch Aza, il n’aurait eu qu’une dizaine d’années lorsqu’il fut amené en France depuis la Martinique.

Ce tableau vient renforcer les collections liées à l’une des principales thématiques du musée : l’esclavage colonial et la traite atlantique. Les entrées en collection relatives à ce sujet s’inscrivent dans le temps long au musée d’histoire de Nantes. Elles ont commencé avec le transfert au château, en 1955, du musée des Salorges. Créé en 1924, ce musée s’attachait à retracer et glorifier, avec une nostalgie certaine, le passé fluvial, maritime et colonial, commercial et industriel de Nantes et sa région. Parmi les objets conservés : des entraves humaines, un exemplaire du Code Noir, des archives de campagnes de traite nantaises, des maquettes de navires…

Le regard porté sur le rôle de Nantes dans la traite atlantique a considérablement évolué dans la seconde moitié du 20e siècle, et notamment depuis l’exposition Les Anneaux de la Mémoire qui s’est tenue en 1992 au château des ducs de Bretagne.

Avec l’acquisition de ce tableau, et en faisant le choix de le renommer pour être au plus près des sujets représentés, le musée d’histoire de Nantes réaffirme aujourd’hui son positionnement sur ces thématiques bien au-delà de l’ancrage local, dans une interrogation toujours renouvelée du regard porté sur l’Autre.